


Le Tambour
Depuis la nuit des temps le tambour occupe une place prépondérante dans la culture profane et religieuse. Cet instrument symbolise la pérennité de toute nation en particulier Haïti. Il est considéré dans le milieu culturel haïtien, plus qu’un simple instrument de musique. Il est un instrument de musique à percussion constitué d'un fût sur lequel sont tendues une ou plusieurs peaux, frappées à l'aide des doigts ou de baguettes prévues à cet effet. La vibration ainsi obtenue est amplifiée par le fût qui fait office de caisse de résonance, parfois modifiée par un timbre en acier ou en boyau naturel ou synthétique. Le tambour est avant tout un outil de survie. C’est un lien direct avec le monde du rêve. Ce monde a la particularité de faire voyager l’esprit à travers tous les différents mondes qui forment l’univers.
Le tambour paysan Vodou d'Haïti provient de quatre régions d'Afrique de l'Ouest : Bénin-Togo (Fon) ; Niger-Nigeria (Yorouba) ; Congo-Cameroun-Angola (Congo) et les Ibos peuple nomade. On retrouve aussi quelques rythmes mandingues (Sénégal-Mali). En Haïti, le tambour symbolise plusieurs choses. Il est le symbole et l’instrument du rythme. Il accompagne les joies comme les peines, le travail comme les moments de détente des Haïtiens, il est, en Haïti, indissociable de la danse. Cela, depuis les temps lointains de l’esclavage. « Une société du tambour : la danse de l’esclave » ; c’est par cette caractérisation suggestive que l’anthropologue Gérard Barthélemy met en relief la « place du tambour dans la vie des masses d’esclaves transportés de l’Afrique à Saint-Domingue »[1]. Il interpelle l’Haïtien au plus profond de son être-au-monde, c’est de ce sens que Maurice Lubin affirme «Le tambour est le symbole de la vie haïtienne. Il est présent dans toutes nos activités et essentiel dans nos danses.»[2] En autre, le tambour est le symbole de la célébration de la vie indissociable des rituels du vodou « religion populaire du peuple haïtien ». Cela explique sans doute la suspicion, voire le rejet, parfois violent, dont cet instrument faisait l’objet dans certains milieux chrétiens.
Le tambour est bien, pour répéter le professeur Maurice A. Lubin, « le symbole de la vie haïtienne », c’est qu’il a de toujours rythmé le quotidien de l’Haïtien : ses joies comme ses peines, ses espoirs comme ses déceptions, cela au temps de Saint-Domingue déjà, comme aujourd’hui encore. C’est pourquoi on rencontre une variété de tambour et une variété de rythme correspondant à cet instrument, suivant les cérémonies, suivant les étapes de l’initiation, suivant le chant.
On peut différencier les tambours sous plusieurs formes: en tonneau, en sablier, en calice, sur cadre, à fente, à friction etc. Les fûts peuvent être en bois, en métal ou en céramique. La membrane, généralement une peau de chèvre, d'agneau, de vache, de poisson ou de reptile, mais parfois en matière synthétique, est fixée à la caisse au moyen de clous, de colle, de boutons, de pinces, d'un laçage ou d'une corde recouvrant les bords de la peau tout autour de la caisse. On les distingue aussi par leur jeu et leur contexte de jeu. Frappés à la main, à la baguette, aux balais, horizontalement, verticalement, etc.
À chaque tambour correspond un rythme que l'on peut jouer de mille et une façons différentes, variables selon les circonstances. Pour les fêtes champêtres et le vaudou nous avons : le Lewoz, le Mindé, le Kaladja, le Grage, le Roulé, le Granjanbel et le Toumblak, le Djouba, la Mazurka, la Valse créole et la Biguin, le Kongo, le Petwo.
Les danses kita et boumba (deux mots kikongo) sont des déclinaisons de la danse Petwo, la première est exécutée sur un tempo extrêmement rapide, la dernière sur un tempo plus lent.
Les Haïtiens d'aujourd'hui dans le vaudou exécutent deux types de danses provenant du Congo, chacune de caractère très différent : La danse Petwo et la danse Kongo.
A l’Eglise catholique nous avons entre autres : le Roulé, le Djouba, la Mazurka, la Valse créole et la Biguin, le Kongo, Le Kongo Payèt, le Kongo Fran, le Pétro, le Nago, la Contredanse, le Ibo, le Boléro, le Calypso, le Yanvalou, la Valse, le Kôy (kore), le Meringue, le Pôpe, Lewoz, Tambour en tonneau.
Frère Jean Marc Gustave
[1] Dans la splendeur d’un après-midi d’histoire, 1996, éd. Deschamps, p. 167.
[2] « René Philoctète et la quête de l’humanisme », in Littérature et société en Haïti, par Claude Souffrant et un groupe de professeurs, 1991, éd. Deschamps, p. 163.