


Tout le monde rêve de vivre cette réalité : enfants, jeunes et adultes. La paix jusque dans le regard : le regard qui ne juge pas, mais accueille simplement. Paix partout, en tout temps, en tout lieu. Paix dans le cœur comme dans l’esprit. Paix dans le ventre. Et la liste peut continuer ! Une journée mondiale de la paix est instituée. Au niveau local ou national plein de manifestations se réalisent pour motiver à la paix. Mais nous sommes combien à prendre conscience d’être dépositaires de ce projet commun à réaliser ? Avons-nous pris l’habitude de penser que la paix est à vivre dans des actes concrets plutôt que dans les discours que nous tenons ?
Une manière de dire la paix, c’est de la vivre. C’est un processus de construction qui n’a pas de terme. Vivre la paix c’est accomplir notre devoir envers nous-mêmes, envers autrui, envers notre pays, notre monde et notre terre. C’est un devoir d’attention, de respect. Attention à soi afin de pouvoir garder un équilibre sur tous les plans et, quand un tel équilibre fait défaut, savoir trouver la paix ou faire la paix avec soi-même. Attention à notre pays, jusque dans nos moindres gestes, comme celui de ne pas salir la rue, pour ne pas être auteurs des dysfonctionnements éventuels. En effet, quand ceux-ci surviennent, la paix en pâtit, la paix de toute une population. Nous avons également ce devoir d’attention qui est conjointement lié à la justice et au respect envers autrui. Nous ne saurions vivre effectivement en paix si celle-ci fait défaut autour de nous, chez ceux avec qui nous avons à composer pour vivre et construire. Ce devoir d’attention est à remplir à l’échelle mondiale. Car ce que nous aurons fait de mal ou ce qui mérite d’être fait et que nous n’aurons pas fait, compromettra la paix, la paix de beaucoup de personnes. Vis-à-vis de la terre, notre devoir d’attention est tout aussi nécessaire. Il convient alors de l’habiter dignement, en vrais travailleurs qui l’exploitent, bien sûr, mais sans la détruire. Quand ces devoirs ne sont pas accomplis, il y a bien lieu de nous réconcilier avec nous-mêmes et avec les autres en ouvrant un chantier où se construit la paix. Si nous voulons vivre la paix, autrement dit, pour avoir le cœur posé[1], ne mettons pas de pause à ce processus de construction de la paix.
La paix, nous l’aurons compris, n’est pas seulement un mot, même lorsque prononcé avec conviction. C’est une réalité. Nous le voyons avec l’apparition de Jésus Ressuscité aux Apôtres. A ces gens enfermés dans leur peur, Jésus dit : ‘’Paix à vous !’’ (Lc 24, 36). Quoique sorti de la bouche du Maître qui leur est apparu, ce mot ne suscite pas dans l’immédiat l’effet qu’il signifie. Loin de les désinstaller dans leur peur, celle-ci se redouble en eux. Le texte continue : ‘’Saisis de crainte, ils pensaient voir un esprit’’ (v.37). Nous comprenons alors que ces mots qui devaient calmer les Apôtres aux esprits troublés, provoquent tout d’abord en eux un tumulte, des troubles. Certes, ils croyaient voir un esprit. Curieusement, la présence de cet esprit semble ne pas leur procurer la paix. Les Apôtres auront cette paix quand ils auront touché cet homme naguère crucifié. Ils accueilleront la paix de Celui qui ‘’se laisse toucher’’ non pas de celui qui parle ou qui prononce des discours. Celui qui veut la paix pour les Apôtres a su aussi les rejoindre dans leur vraie zone, dans leur réalité effective : il partage leur poisson grillé (vv. 42-43). Heureusement.
Nous avons à dire la paix, en la vivant. Et c’est dans ce monde aux bruits sans cesse croissants, où l’injustice est devenue coutumière, l’individualisme très poussé que nous avons à le faire. Nous dirons la paix quand nous aurons eu assez de courage pour travailler dans la solidarité, pardonner et accueillir le pardon de l’autre, avoir un regard empli de bonté sur nos frères qui n’ont pas les mêmes richesses (richesses matérielles, spirituelles, intellectuelles) que nous. Nous vivrons la paix quand nous aurons cultivé le sens de l’attention et du devoir à accomplir envers nous-mêmes, les autres, le monde et la terre. Il faut dire la paix et comme pour cela il faut la vivre, vivons-la !
Frère Jean Yvelt PHILIPPE
[1] Expression traduisant la paix en créole haïtien.