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     La fraternité a toujours été au cœur des aspirations humaines. Elle a constamment touché l’humanité de chacun dans sa capacité à tisser des liens, à vivre en société, à s’ouvrir aux autres. Un sage eut à dire : « L’Homme seul n’est rien, c’est par la fraternité qu’il trouve un sens agréable à cette vie, par cet amour particulier qui fait qu’il ne se sent pas jugé, qu’il est en confiance ». La fraternité est donc pour lui ce lieu du vivre ensemble où il peut se construire et s’épanouir dans son être intégral. Pourtant, comme plus d’un l’a déjà remarqué, dans nos rapports quotidiens avec les autres, cette fraternité peut être vite blessée et même bafouée, au point souvent de la croire impossible à instaurer et à vivre. Mais, qu’est-ce donc que la fraternité ? Qu’est-ce qui la rend possible ?

 

     Pour nous aider à comprendre le sens de ce concept, Malraux nous donne de très bons éclaircissements. Tout d’abord, elle n’est pas une réalité théorique ou idéologique, en ce sens qu’elle n’est pas à situer dans le champ des théories ou des idées mais plutôt dans celui des sentiments. « … La fraternité appartient ainsi au monde de nos sentiments incarnés et vécus » disait Malraux. C’est dans ce même sens que William JUDGE affirmait « la fraternité est un fait, un fait vivant, toujours présent… ». On comprend par là que la fraternité n’est pas une réussite donnée du premier coup puisqu’elle relève de l’expérience, et qui dit expérience dit également difficultés.

 

     Tous, nous sommes appelés à vivre la fraternité, mais elle ne peut advenir sans nous. Elle est le fruit d’une construction au quotidien où chacun, dans sa singulière vie, devra travailler à sortir l’humanité (les autres et soi-même) des rapports de forces et de contre-forces qui l’accablent ; à supprimer cette politique du dénigrement et de la méconnaissance pour laisser émerger une culture de la solidarité, une culture de vie. Comme dirait le docteur Bijoux, il nous faut passer du complexe du tigre qui nous porte à abuser de notre force à celui de l’agneau, du complexe de chacal à celui de la girafe. Ce n’est qu’au terme de ce travail sur soi que chacun sortira édifié, épanoui, et cela à tous les niveaux ontologiques. Ainsi, la construction de la fraternité implique inévitablement la construction de l’individu. Cette simultanéité se comprend dans cette double incidence où l’individu agit sur le bien-être de la fraternité en sa participation active, c’est-à-dire en posant des actes concrets et bienveillants nécessaires à la survie de la vie fraternelle ; réciproquement ce dernier subit l’influence de la fraternité dans sa capacité à grandir et à apprendre de l’autre, de l’Autre également.  

 

     Pour nous chrétiens, la fraternité revêt une double portée. Elle est grâce puisqu’elle est fondée sur la reconnaissance de l’amour gratuit de Dieu pour chacun. Aussi, la fraternité est pour nous ce lieu privilégié pour nourrir et déployer notre expérience de ce Dieu miséricordieux. Cette expérience n’est pas solitaire, elle est ecclésiale, vu qu’elle engage chacun dans une attitude d’accueil et de service des autres au sein de la communauté. Elle est également mission en ce sens qu’elle est un appel divin. Dieu nous appelle à la fraternité et chacun, petit ou grand, a sa pierre à apporter à l’édifice fraternel. La fraternité ne se limite donc pas à de simples liens du sang ou de la chair, encore moins à des affinités morales ou sociales. Elle est accueil inconditionnel de l’autre comme Dieu lui-même nous accueille et nous aime. Aussi comprenons-nous que la fraternité est partage (de biens matériels et spirituels), elle est mise en commun des richesses et des différences (culturelles ou autres), et, plus important encore, elle est chemin puisqu’elle tend vers Dieu, elle nous conduit à Dieu.

 

     « Dans la foi et dans l’amour, construisons notre fraternité » devrait nous aider en ce sens. Ce thème veut mobiliser chacun dans sa mission de semeur de paix, de constructeur de fraternité. L’humanité est plus que jamais appelée à la fraternité. Et cette fraternité à construire est notre défi d'aujourd'hui, là où nous sommes, avec la fragilité de nos forces et la ténacité de nos faiblesses. Que chacun donc se sente investi de cette noble mission, celle de construire la fraternité sur cette terre. Qu’il plaise à Dieu de nous unir toujours dans son amour et nous accompagner dans cette élan constructif de la vie fraternelle.

 

Frère Frantz Caleb MUSEAU, FIC

 

 

La fraternité, lieu de construction

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